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Interview/Edem KODJO : « Franchement, il faut retrouver l’esprit et la vision de Brazzaville pour essayer de faire faire à l’Afrique un pas en avant. »

Le mardi dernier, plusieurs personnalités dont le Président Faure Essozimna GNASSINGBE ont participé dans la capitale congolaise, à la célébration des 25 ans du protocole de Brazzaville. Pourquoi une telle célébration ? Ce dimanche 16 février 2014, Edem Kodjo qui, en 1988, conseillait le président congolais Denis Sassou-Nguesso dans cette affaire, répondait, sans langue de bois, aux questions d’Anthony Lattier dans l’émission « invité Afrique » sur Radio France Internationale (RFI). Lecture!

RFI : Retour sur l’un des temps forts de cette semaine : la célébration des 25 ans du protocole de Brazzaville. De nombreuses personnalités étaient présentes, mardi 11 février, dans la capitale congolaise, là où en 1988, en pleine Guerre froide, avaient été signés ces accords qui ouvrirent la voie à une pacification de l’Afrique australe. Le protocole, conclu le 13 décembre à Brazzaville et entériné quelques jours plus tard à New York, allait en effet déboucher sur la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, sur la libération de Nelson Mandela, sur le retrait des troupes cubaines et sud-africaines de l’Angola et sur l’indépendance de la Namibie. Comment s’inspirer aujourd’hui de ce protocole historique pour régler les crises actuelles ? En 1988, l’ancien Premier ministre togolais et ancien secrétaire général de l’OUA, Edem Kodjo, conseillait le président congolais Denis Sassou-Nguesso.

Pourquoi fallait-il célébrer le protocole de Brazzaville, les 25 ans ? En quoi est-ce une date importante dans l’histoire de l’Afrique ?  

Edem Kodjo : C’est une date historique parce que ça a été le détonateur d’un total changement aboutissant à la libération de Nelson Mandela et à la suppression de l’apartheid. C’est dommage qu’on n’a pas fêté les 10 ans, ni les 20 mais c’est déjà heureux qu’on fête les 25. C’était un évènement important qui est passé inaperçu, pas des connaisseurs mais peut-être du grand public.

 RFI: Vous avez participé aux discussions en 1988. Qu’est ce qui a permis à l’époque que ces discussions aboutissent ?

EK : D’ abord, je n’ai pas été un partenaire important dans cette affaire. J’étais conseiller personnel de mon ami le président Denis Sassou-Nguesso qui a réussi ce coup de force de mettre tout le monde d’accord. C’est lui qui a été l’élément moteur. Il a su, lui, le pur marxiste, attirer l’attention des États Unis d’Amérique sous l’ère reaganienne, et, compte tenu de ses relations privilégiées avec l’Angola, il était pratiquement le seul capable  de mettre en ce moment, précisément ensemble l’Angola, les États Unis d’ Amérique et l’Afrique du Sud. Il disposait d’émissaires secrets qui ont fait des tas de voyages en Afrique du Sud à une époque où il était interdit de survoler même pratiquement le territoire sud-africain. Et le fait d’avoir organisé et réussi ce protocole de Brazzaville a fait que les choses se sont décantées tout d’un coup. La Namibie pouvait être indépendante, l’apartheid pouvait commencer  à trembler sur ses bases, Nelson Mandela pouvait commencer à respirer l’air pur de la liberté, ainsi de suite.

RFI: Une cérémonie a eu lieu cette semaine à Brazzaville pour célébrer donc les 25 ans de ce protocole. Le président sud-africain Jacob ZUMA était présent et il a appelé les pays africains à tirer les leçons du passé en s’inspirant de ces accords. Comment faire concrètement pour s’inspirer de ce protocole ? 

EK : (rires) C’est difficile. S’inspirer de ce protocole signifie d’ abord avoir une vision. Le problème de SASOU, c’est qu’il avait une vision que je qualifierai personnellement de panafricanisme, qui veut que, quand il y a une bourde sur le  continent, ou l’insécurité, le désordre, l’oppression, il faut se battre pour que cette région soit libérée. C’est ce qu’il a fait. Aujourd’hui, nous voyons que cette leçon peut encore servir. Nous voyons toutes les crises d’ailleurs qui se déroulent, pas loin du Congo. On voit ce qui se passe en République Centrafricaine,  au Soudan du Sud  qui n’est pas si loin. Franchement, il faut retrouver l’esprit et la vision de Brazzaville pour essayer de faire faire à l’Afrique un pas en avant.

RFI: C’est pour ça, selon vous, que l’Afrique ne parvient pas à se mobiliser  suffisamment pour régler les crises actuelles du continent ? C’est ce manque de vision de la part des dirigeants actuels ? 

E K: Je n’irai pas jusque-là. Mais je dirai que c’est un manque de cohérence. Parce que ces crises en réalité, quand on voit le poids de certaines économies africaines, l’Angola seul suffit pour résoudre les problèmes qui se posent dans plusieurs pays sur le continent. Pourquoi ne le fait-il pas ? L’Angola a la force armée, une disponibilité financière. La capacité de se projeter à l’extérieur, l’Angola l’a, l’Afrique du Sud même l’a, le Nigeria aussi en a. Alors, il va falloir que se dégage une volonté commune quelque part. On le souhaite tout de même. On ne peut pas dire que l’économie africaine, si florissante aujourd’hui, ne peut pas générer de forces militaires suffisantes pour aller régler les problèmes qui se passent en Centrafrique.

RFI: Le panafricanisme, ça n’existe plus ? 

EK : ça existe! Ça n’existe plus aux yeux de ceux qui pensent qu’il ne faut plus en parler. Interroger tous les Africains sérieux. Discutez avec eux, vous verrez qu’ils se rallient tous à cette idée première qui hérissent certains individus en Afrique et en dehors mais qui est fondamentale. Je ne vois pas d’avenir pour le continent en dehors du panafricanisme.

 

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